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Jean Desautels
29 mars 2010

En publicité: la création d'abord

 

En publicité, c'est d'abord la création qui fait vendre. Quelle que soit la qualité du plan média, quelle que soit la pertinence du plan stratégique, l'impact d'une campagne tient d'abord au message. Pourtant, les investissements dans une campagne de communication commerciale reflètent très rarement cette réalité. 

Une campagne traditionnelle au Québec francophone – marché de 7 millions d’habitants – répartira habituellement son budget dans une proportion de 85 à 90% pour la diffusion et 15 à 10% pour la création (incluant la production). C’est une répartition qui réjouit particulièrement les médias et les agences qui se rémunèrent à partir d’un pourcentage tiré de leurs ventes média. Cette disproportion aura tendance, dans le contexte de la publicité traditionnelle, à s’accroître proportionnellement à la taille des marchés. Elle semble moins s’appliquer à la publicité sur internet bien qu’il paraisse fondé de croire que les montants rattachés au design et à la programmation pour la communication via la toile soient généralement plus importants que ceux consentis au contenu.

Mais est-ce vraiment nécessaire de répéter ad nauseam une publicité pour obtenir un impact? Nonobstant l’avis des représentants des médias et de beaucoup de spécialistes du marketing, il ne sera certainement pas nécessaire de la répéter autant autant s’il s’agit d’une bonne publicité! Interrogé à propos des annonceurs qui dépensent des fortunes pour créer des messages qui ne seront ensuite diffusés qu’une seule fois dans le cadre du Super Bowl, voici ce qu’en disait récemment Jacques Nantel, professeur à l’École des HEC de Montréal : « Plutôt que d'acheter 30 spots publicitaires et d'aller chercher 1 ou 2 millions de consommateurs à chaque fois, il faut peut-être mieux concentrer son impact média et aller tous les chercher d'un coup. »[1] En fait, ce n’est pas l’impact média qu’on concentre ainsi, mais l’impact créatif, car il n’est pas rare que les messages qu’on peut voir au cours de cet événement sportif coûtent aussi cher à créer et à produire qu’à diffuser. Ce qu’affirme en fait Monsieur Nantel, c’est qu’un bon message diffusé une seule fois peut avoir le même impact qu’un message quelconque diffusé 30 fois… ce n’est pas une affirmation banale!

Déjà, dans les années 80, les créations de Toscani pour Benetton avait montré la voie : des messages très forts se trouvaient diffusés en première page des journaux parce qu’ils avaient été refusés par d’autres médias! D’autres étaient repris partout à cause de leur caractère inusité, provocateur. Il n’est pourtant pas inconnu que la création, en publicité, et dans toutes les autres formes de communication commerciale, est ce qu’il y a de plus payant pour l’annonceur.

Sur un ton plus académique, on peut affirmer qu’autant les chercheurs que les praticiens n’hésitent pas à voir la qualité de la création publicitaire comme un élément déterminant d’une stratégie de communication efficace[2][3]. C’est ce que nous apprend entre autres Charles Marsh, professeur associé de journalisme à l’université du Texas[4]. Il cite entre autre Jones qui affirme que « la plupart des problèmes en cause lors des campagnes inefficaces sont liés à des faiblesses de la création.»[5] De leur côté, Reid, King et DeLorme stipulent même que «  la créativité, indéniablement l’aspect le moins scientifique de la publicité, est incontestablement le plus important. »[6]

Si l’inefficacité des campagnes tient d’abord à la pauvreté de la création, et si une création bien réussie est vraiment l’élément déterminant du succès des campagnes, pouvant même permettre d'économiser des sommes astronomiques en investissements au chapitre de la diffusion, alors comment expliquer qu’elle soit le parent pauvre de la publicité? Pourquoi n'y consacre-t-on pas davantage en ressources humaines (sur le plan de la qualité surtout) et financières? Est-ce parce que les annonceurs ne savent pas où se trouve leur intérêt? Ou bien est-ce parce que l’industrie traditionnelle de la publicité, étroitement liée aux médias classiques et s’abreuvant à leurs profits, s’est assurée de bien leur cacher la chose? Y aurait-il d'autres mystérieuses raisons? C'est une énigme à résoudre ...ou une situation à corriger.

 


[1] Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2010/02/05/013-super-bowl-publicites.shtml

[2] Johar, G. V., Holbrook, M. B., Stern, B. B. The role of myth in creative advertising design: theory, process and outcome. Journal of Advertising, 30 (2), 2001, pp. 1-25

[3] Kover A. J. Copywriter’s implicit theories of communication: An exploration. Journal of Consumer Research, 21,1995,  pp. 596-612

[4] Marsh, Charles. Aristotelian Causal Analysis and Creativity in Copywriting – Toward a Rapprochement Between Rhetoric and Advertising. Written Communication, 24 (2), Sage Publications, 2007, pp.168-187

[5] Jones, J.P. Fables, Fashions and Facts About Advertising: A Study of 28 enduring Myths. Thousand Oaks, CA, Sage, 2004

[6] Reid, L. N., King, K. W., DeLorme, D. E. Top-level agency creatives look at advertising creativity then and now. Journal of Advertising, 27 (2), 1998, pp. 1-17

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